Pardevant les notaires de la Province du Bas-Canada, résidant dans les Seigneuries d’Annfield et Châteauguay, soulignés :
Furent présents François Branchaud, Me Macon et entrepreneur demeurant en la Seigneurie d’Annfield d’une part.
Et Pierre Rousselle dit Sansoucie, traversier demeurant en la paroisse de Lachine d’autre part.
Lesquels ont fait ensemble le marché qui suit, savoir, que le dit François Branchaud s’oblige de faire et faire faire du côté sud de la rivière Châteauguay dans St-Féréole sur la terre du dit Pierre Rousselle et pour lui, les ouvrages suivants, savoir, une maison de pierres de trente pieds de large sur quarante pieds de long, d’y faire creuser et évider une cave de toute grandeur de la dite maison, de quatre pieds de profondeur en terre et qui aura trois pieds au dessus du rez du terrain ou hors de terre jusqu’au dessus des lambourdes; les murs seront assis en terre solidement et auront trois pieds d’épaisseur dans la cave ou d’épaisseur suffisante au dire d’experts pour la solidité de toute la maçonne, ainsi que les murs du restant du quarré qui aura onze pieds de haut depuis les lambourdes jusque sur la sablière et les pignons, quarrés de quatorze pieds d’équille avec des exhaussements pareils à ceux de la maison de M. Gilbert Leduc, du coteau St-Pierre, mais avec des consoles seulement devant, y faire une cheminée assise sur masse en pierre et foyer et de cinq pieds et demi de large dont l’ouverture du bas aura quatre pieds de haut, une autre cheminée de chambre assise sur masse en pierres et foyer et de trois pieds et demi d’ouverture en bas, dont les jambages et trous de tuyaux des dites cheminées seront de pierres taillées, et lesquelles cheminées seront cimentées avec du mortier de chaux et de fiante de vache en dedans, et seront d’hauteur suffisante au-dessus de la couverture une dans chaque pignon; avec de fausses cheminées, pour mettre les dites cheminées d’égale largeur dans chaque pignons au-dessus des dits pignons; faire un mur de réfente de dix-huit à vingt pouces d’épais dans la cave sur toute sa longueur avec une porte de trois pieds et demi de large faire et pratiquer de même largeur, une entrée de cave de dehors avec porte double, quatre petits soupiraux, avec chacun un petit chassis de trois verres de large sur un haut de cadres; faire et poser solidement six lambourdes de dix pouces chaque par le petit bout; les cadres d’une porte de devant; d’une autre dans un pignon, de quatre chassis devant de quatre derrière et d’un autre dans chaque pignon, chacun des dits chassis de six verres de haut et quatre de large, de sept sur huit; lesquels dits cadres de portes et chassis seront pareils à ceux de la maison de François Tessier, père, en outre deux autres cadres dans chaque pignons pour chassis d’un volet chaque; de trois verres de large et quatre de haut et d’un autre petit chassis dans chaque pignon, de quatre verres seulement chaque; d’y faire et pratiquer les embrasures de quatre armoires et des ouvertures; d’y faire un four joignant le pignon de la cuisine avec des ailes et un dossier au-dessus du quarré pour recevoir la couverture, le dit four en pierres et la couverture en planches et bardeaux; et avec une porte dans le fond de la cheminée de la cuisine, et dont le cadre sera de fer et la porte de tôle; une rainure en dedans des murs des pignons pour y entrer la couverture; faire et poser des baguettes aux coins des embrasures des ouvertures; le nombre de soliveaux nécessaire de sept pouces d’épais et onze pouces de haut et blanchis; les palatrages de cinq pouces d’épais et de largeur suffisante; le comble avec un entrait à chaque chevron et les autres pièces de bois nécessaires, couvrir la dite maison en planches séchées de lignées droite et jointe les unes contre les autres, et en bardeaux sains posés à quatre pouces et demi d’échantillon, faire et poser deux échelles chaque côté de la couverture que ledit entrepreneur peinturera et ainsi que la dite couverture; faire aussi deux échelles longues pour monter sur la couverture; deux dalles de toute la longueur de la maison et d’un morceau chaque de six pouces d’épais sur sept pouces et demi de haut, celle de devant avec des moutures et clouées solidement avec bonnes carvelles, et avec quatre dalleaux qui seront posés en descendant à la demande du et Pierre Rousselle; faire et poser le plancher d’en bas de madriers de deux pouces d’épais, six pouces de large et emboufté d’affleurement en dessus et à coupes perdues, celui d’en haut aussi de madrier, emboufté d’affleurement des deux côtés, plané et blanchi proprement en dessous, diviser ladite maison en cinq appartements, par cloison faites et posées avec du bois d’un pouce et demi d’épaisseur, embouftées et blanchis proprement et d’affleurement des deux côtés, faire et poser quatre portes d’assemblages à six panneaux avec leurs cadres doubles; des plinthes et appuis de chaise où il sera nécessaire, deux devants de cheminées, un escalier pour monter au grenier, entouré du haut en bas de l’appartement, en planches d’un pouce d’épaisseur embouftées et blanchis d’affleurement en dedans l’appartement avec une porte unie, faire et poser les boisures des armoires en bois avec leurs portes à panneau d’assemblage et leurs cadres; faire et poser les dix chassis de devant derrière et des pignons des six verres de haut et de quatre de large, à deux volets avec leurs cadres et jets d’eau, la porte de devant à six panneaux avec un vitrau au dessus celle du pignon aussi à six panneaux, les dites portes et chassis noyers dans leurs dormants, les chassis des pignons de trois verres de large sur quatre de haut avec leurs cadres et contrevents, les deux petits chassis des pignons, de quatre verres, avec leurs cadres, poser toutes les vitres, mastique, ferrure et clous qui devront entrer dans la dite bâtisse; resserrer les planchers et cloisons, six mois ou un an après qu’ils auront été posés suivant qu’il sera propice; tirer les joints en dehors de la dite maison et enduire en dedans de bon mortier, fournir par le dit entrepreneur tout la pierre brute, chaux, sable, bois de charpente et de menuiserie et des bardeaux qui entreront et doivent entrer dans la dite bâtisse, et de bonne qualité et sain; le bois des planchers, cloisons et ouvertures avec la moins de nœuds possible, mais toutes fois les nœuds petits et sains, faire toute la dite maçonne d’épaisseur suffisante pour la solidité et tous les dits ouvrages faits et parfaits à dire d’experts et livrables par le dit entrepreneur à la Saint-Michel de l’année prochaine en conséquence mettre et employer nombre d’ouvriers suffisants à cette fin.
Le présent marché ainsi fait à la charge par le dit Pierre Rousselle de fournir rendus sur la place de la dite bâtisse, la pierre de taille et taillée qui doit être employée, toutes les ferrures, les clous de toutes dénominations, les vitres, le mastique, et la peinture qui doit être employés dans les dits ouvrages tel que ci-dessus mentionné; et en outre pour et moyennant le prix et somme de sept mille cinq cent livres de vingt coppres ou chelins ancien cours, que le dit Pierre Rousselle s’oblige à payer au dit entrepreneur ou au porteur comme suit, savoir, deux milles livres à al Toussaint prochaine ou premier Novembre prochain, deux milles livres et plus si le dit Pierre Rousselle peut le faire, à fur et mesure et dans le cours de l’ouvrage, et le restant du prix aussitôt les dits ouvrages faits et livrés, excepté les enduits et repérages que ne doivent se faire que six mois ou un an après tel que cy depuis spécifié et qui ne pourront retarder le dit dernier payement, car ainsi promettant et y obligeant et y renonçant. Et pour l’exécution des présentes, les dites parties ont élu leurs domiciles en leurs demeures susdites, auxquels lieux y fait et payé en la dite Seigneurie d’Annfield en l’étude, l’an mil huit cent vingt deux, le seize du mois de septembre après midi et à al dit entrepreneur signé avec nous dits notaire le dit Pierre Rousselle ayant déclaré de ce le savoir faire ainsi que François et Jean-Bte Branchaud, fils du dit entrepreneur, à ce présente, du même lieu et qui s’obligent tous deux solidairement avec le dit entrepreneur leur père à toutes dites obligations, devait y travailler eux-mêmes, de ce en quis ont fait leurs marques après lecture faite.
JeanB. Branchaud
Pierre Rouselle
Frank Branchaud, fils
Ls. Sarault
Travaux de restauration de la maison Pierre-Rousselle au printemps 2003 |
Des travaux de restauration sur les façades est et sud du bas-côté de la Maison Pierre-Rouselle au printemps 2003 ont permis dans un premier temps de solidifier cette section du bâtiment par l’ajout d’une fondation en béton et dans un deuxième temps de remettre en état la maçonnerie. De plus, les fenêtres et portes de ces murs ont été remplacées. Un artisan s’est chargé de fabriquer des répliques des portes et fenêtres selon les normes de l’époque.
Le ministère des Communications et de la Culture du Québec a contribué financièrement à la réalisation de ces travaux.
Article sur l’histoire de la maison Pierre-Rousselle |
Cette maison canadienne en pierre des champs est la plus ancienne des grandes demeures de Sainte-Martine. Son état de conservation remarquable lui a valu d’être classée monument historique le 10 septembre 1974. Tout d’abord, maison de ferme, elle servit d’auberge, d’hôtel, puis de maison de pension.Par Anyze Goyette
Comme l’indique la plaque commémorative au-dessus du portail, la construction de la maison Pierre-Rouselle remonte à 1823.
On doit la construction de cette solide demeure au traversier Lachinois, Pierre Rousselle, dit Sansoucie. Le 16 septembre 1822, devant notaire, il donne les directives de construction à l’entrepreneur et maître maçon François Branchaud. Il effectuera la besogne avec ses deux fils, François et Jean-Bte.
Le libellé très détaillé du contrat insiste à plusieurs reprises sur la solidité de la maçonnerie et la qualité des matériaux à utiliser. On peut lire, entre autres, que « la maison sera de trente pieds de large sur une quarante de pieds de long, d’y faire creuser et évider une cave de toute la grandeur de la maison, de quatre pieds de profondeur en terre et aura trois pieds au dessus du rez du terrain ou hors de terre jusqu’au dessus des lambourdes; les murs seront assis en terre solidement et auront trois pieds d’épaisseur dans la cave ou d’épaisseur suffisante au dire d’experts pour la solidité de toute la maçonne…».
Des années plus tard, la veuve du riche cultivateur, Louise Roy, cède la propriété, moyennant une rente, à Marc-Antoine Primeau qui a épousé sa fille Sophie en 1827.
Nommé juge de paix, postier puis élu maire de Sainte-Martine de 1855 jusqu’à sa mort le 9 octobre 1856, cet entrepreneur et marchand a marqué l’histoire de Sainte-Martine. En plus de participer à quelque mille transactions immobilières, à l’exploitation de la tannerie, à la construction de deux moulins à scie, il a obtenu la charte pour la route 138 et l’érection du pont sur la rivière l’Esturgeon.
On doit au couple la construction de la cuisine d’été. Les époux habitent la maison Rousselle jusqu’à la construction en 1854 du manoir Primeau de style dit Nouvelle-Angleterre.
Connu pour être dur en affaires et impitoyable avec ceux qui s’opposent à lui, Marc-Antoine Primeau refuse en 1854 de vendre l’habitation au curé Blyth avec qui il a eu de nombreux différends. L’ecclésiastique voulait en faire un collège.
Le 4 mai 1865, la demeure Rousselle, qui était encore en possession de Sophie Rousselle, est vendue aux enchères sur le perron de l’église pour 500 piastres.
Le nouvel acquéreur, l’hôtelier Étienne Caron, en fait une auberge et signe ainsi la nouvelle vocation de la demeure pour de nombreuses années.
De fait, plusieurs hôteliers lui succèdent, soit : la veuve Caron, Rose Mercier, Étienne Caron fils (1876), William Marchand (1883), Narcisse Dubuc (1900) et George Bouchard (1902).
À partir de 1906, l’habitation devient la maison de pension Ricard. Après la mort de son époux, Flore Dagenais, aidé de son fils mécanicien, prend la relève du commerce jusqu’en 1963. La maison de pension possède alors un garage avec station-service.
La maison, ensuite, est acquise par l’agent d’assurances, Raoul Tremblay, marié à l’actrice de théâtre et de télévision, Kate Tremblay, tous deux anglais d’origine, au Canada depuis 1947. Ils veulent en faire une auberge doublée d’un café.
On leur doit la restauration des planchers, des boiseries, de l’escalier, la réhabilitation des foyers et l’aménagement du grand salon qui était alors divisé en trois pièces, soit deux chambres et un salon.
Leur projet sera de courte durée. M. Tremblay se pend l’année suivante. En 1969, lorsque l’actrice vend sa propriété 40 000 $ elle doit toujours 12 000 $ à l’héritière de Flore Dagenais.
Ce sont les propriétaires suivants, Jane Woollcombe, secrétaire de profession et le photographe médical Robert Coppenrath qui font valoir auprès du ministère des Affaires culturelles du Québec sa valeur patrimoniale.
Dans le registre des biens culturels, on décrit le monument historique comme suit : « Maison de campagne en moellons avec cuisine d’été de même construction, de style dit à la canadienne. La maison mesure 42 pieds sur 30 pieds, et la cuisine d’été, 26 pieds sur 21 pieds. Le toit à deux versants avec larmiers est recouvert de papier goudronné, sauf sur le versant sud-est de la maison qui est recouvert de tôle à baguette. La maison a deux cheminées de pierres, une à chaque pignon, et la cuisine en a une en briques, au pignon nord-est.»
Le 14 mai 1976, la maison est vendue à Mireille Beaudoin, épouse de l’agent manufacturier Louis Paul Pérusse pour la somme de 82 000 $ dont 12 000 $ doivent toujours être versés à l’héritière de Flore Dagenais. Ces derniers n’y demeurent pas très longtemps parce que la dame n’aime finalement pas vivre dans une vieille maison.
Le 1er mai 1978, le directeur adjoint à l’Université de Montréal Guy Lavoie, se porte acquéreur de la maison. Finalement, il est celui qui rembourse en 1981 le 12000 $ plus intérêts à l’héritière de Flore Dagenais.
M. Lavoie vend aussi une bande de terrain à Irénée Primeau pour l’agrandissement de son épicerie. Il met ainsi fin au litige qui opposait M. Coppenrath et son épouse à M. Primeau et au ministère des Affaires culturelles du Québec. Pour s’opposer au projet, ceux-ci avaient invoqué le fait que l’immeuble de M. Primeau se trouvait dans l’aire de protection dudit monument et, par conséquent, était soumis à la Loi sur les biens culturels.
Parmi les améliorations apportées par M. Lavoie, il y a la restauration du plancher de la salle à manger et la rénovation du « bas-côté ». Pour garnir la cuisine, il achète des armoires du couvent des sœurs grises de Montréal. On lui doit aussi le toit rouge en tôle galvanisé (financé en partie par le ministère des Affaires culturelles).
De plus, il a puisé dans la rivière Châteauguay la terre nécessaire à l’assèchement de la partie marécageuse du terrain arrière. Aujourd’hui, la superficie totale du terrain est de 66 mille pieds carrés.
Devant quitter la demeure pour des raisons de santé, Monsieur Lavoie vend la propriété à Anyze Goyette et au consultant en informatique Yvan Pilon le 5 mai 1999.
E août 2000, la maison Rousselle sert de site de tournage pour quelques scènes du film québécois Mariage réalisé par Catherine Martin et produite par Lorraine Dufour. Ce film, dont le budget est de 1,8 million $, met en vedette Guylaine Tremblay, Raymond Cloutier, Hélène Loiselle et Marie-Ève Bertrand. Il relate l’histoire d’Yvonne qui, à vingt ans, voit sa vie divisée entre l’intensité vibrante de ses rapports avec la nature et l’austérité caractéristique de cette époque victorienne. Les tournages des scènes se font dans le salon et la chambre des maîtres à l’étage. Un balcon est construit à l’arrière pour les besoins du tournage.
En conformité avec la Loi sur les biens culturels, le couple obtient l’autorisation en 2002-2003 d’effectuer des travaux de consolidation de la fondation du bas-côté, la restauration de la maçonnerie et le remplacement des portes et fenêtres existantes par des répliques effectuées par l’artisan Rose. L’entièreté de la maçonnerie sera refaite dans les prochaines années, redonnant ancien toute sa splendeur d’origine à la vieille demeure.
Sources :
• La lecture des actes notariés
• BERGEVIN, René. Sainte-Martine de Beauharnois. Deux siècles d’histoire des familles 1795-1995. La corporation municipale de Sainte-Martine, 1994. 152 p.
• BERGEVIN, René. Sainte-Martine en images. La corporation municipale de Sainte-Martine, 1991. 171 p. |
|
|